Lundi

On va commencer par quelque chose de banal mais comme j’ai pas le courage de chercher autre chose, c’est comme ça. On va commencerpar une semaine typique, si  tant est qu’il y en ai. Et comme je suis assez logique comme fille, on va commencer par le lundi, hein.

Lundi

Mon réveil sonne à 8h. J’ai cours à 8h30. J’appuie sur la touche snooze, une fois, deux fois, trois fois. Il est 8h20. Fuck. Tant pis. Tout savoir sur l’administration des établissements publics ne me sera d’aucune aide pour mon salut personnel, d’façon. Je me rendors.

9h, mon portable vibre. C’est Coralie, ma pote de promo. « T pas en amphi ? Jte vois pas ». Bah nan, j’y suis pas. Je me rendors.
10h 17, mon portable vibre encore. C’est Anne-Emmanuelle, une de mes meilleures amies, avec qui je suis aussi cheftaine scoute, pour les petits garçons, c’est à dire cheftaine louveteaux dans notre jargon. « Ce WE était tp bien ! Crevant mais ouf ! A part quand Louis-Etienne c brûlé en voulant rattraper le manche de casserole tombé dans les braises. Peux-tu rappeler c parents pr leur demander cmt il va ? G plus de crédit et ils avaient pas l’air content. »

Tu m’étonnes. On leur a rendu leur gamin avec un bandage de la taille d’un gant de boxe. Sans oublier Vianney qui s’est débrouillé pour se faire une entorse au poignet en rattrapant un ballon. Sont cons parfois ces gosses. J’appellerai à midi, de toute façon les parents seront pas là en matinée. Je me rendors. Presque. Parce qu’en fait, si sa mère sera là, elle est mère au foyer. Je me lève, je titube jusqu’à mon ordi pour trouver le numéro de ladite mère. Allez, un petit raclement de gorge pour paraître un minimum éveillée.
– Allo, oui bonjour Madame ! C’est Bagheera. J’appelais au sujet de votre fils. Il va mieux? On est vraiment désolées pour cet incident, on sera plus vigilantes la prochaine fois…. Ah oui, des cloques ? Rouges et suintantes ?… Oui, le pauvre. Encore toutes nos excuses. Au revoir madame, et souhaitez un bon rétablissement à
Louis-Etienne de la part de toutes ses cheftaines.

Check. Je renvoie un sms à Anne-Emm. « C bon, il va bien, il a juste des cloques. La mère a accepté les excuses, elle a juste dit qu’on était un peu gourdes. »
Il est 10h36. Mon prochain cours est à 11h. Je suis vraiment crevée, on a aussi du gérer la crise de cauchemar en chaîne de Pierre, Paul-Henri et Alban la nuit dernière. Je me rendors.
11h57. « bzzzzzzzz ». C’est à nouveau Coralie. « Ya que toi pr sécher un cours à
11h. RDV au RU à 12h45 pr manger, si t levée. » Faut peut-être que je me lève, en effet. Après sept minutes de tergiversations, je me décide. Une douche rapide, un quart d’heure pour trouver comment je m’habille, dix minutes pour trouver mes clefs qui se planquaient dans une de mes chaussettes de la veille. Chaussette par ailleurs maculée de bouse de vache, souvenir de mon excursion hors de la tente dans la nuit pour aller faire mes besoins naturels dans la nature. Il est 12h34, et le RU est à vingt minutes de marche. Je suis à la bourre, j’ai faim, et je n’ai pas fais ma prière matinale. Pardon Jésus, un signe de croix fera l’affaire.

12h56, j’arrive au RU. Coralie, Pauline et Elodie m’attendent de pied ferme.
Après leur avoir bafouillé les excuses de circonstance, nous entrons dans la queue, qui est, comme tous les midis à cette heure ci, un champ de bataille.

13h23. Après cinq écrasements de pieds, huit jurons et onze bousculades, nous voici enfin assises. Coralie attaque.

– Mais enfin Aliénor, t’as fait quoi ce week-end ? T’es encore mal barrée pour tes partiels, si tu sèches dès le lundi matin !

Oui, parce que je m’appelle Aliénor. Et j’ai cinq frères et soeurs qui s’appellent Henri, Mayeul, Isaure, Jean-Baptiste et Diane. J’ai la bouche pleine de pâtes carbo.

– Vétais en week-end fcout.
– Ah oui, c’est vrai. Continue Pauline. Ca s’est bien passé ?
– Chétais ouf (je suis à présent en pleine mastication d’un bout de pain). Mais chuis
crevée. Pas dormi de la nuit. Trop froid.
– Tu m’étonnes ! Dit Elodie, l’air à la fois dubitatif et admiratif. Et sinon t’es prête
pour ton exposé ?

La fourchette pleine de pâtes que je m’apprêtais à porter à ma bouche s’arrête à mi-chemin.

– Mon exposé ? Je demande.
– Ton exposé. Dit Coralie
– Aaaaaaaaaaaahhh mon exposé !! Je crie.

En effet, j’ai un exposé d’histoire à présenter à 16h. Je fouille dans ma mémoire. L’ai-je préparé? Oui, je me revois en train de le faire vendredi soir. Ouf. Tout va bien. Non, quelque chose cloche. Parcequ’en fait vendredi soir j’ai fini chez Marie-Laure pour mater un DVD. Je sors mon ordi de mon sac. Je ne fais pas attention au haussement de sourcil perplexe de Pauline devant l’étalage d’autocollants qui se présente à elle. Sur le dos de mon PC sont collés  « Scouts Unitaires de France, l’aventure », « I love Jesus » « Forum des jeunes, Paray-le-monial » et, le plus osé sans doute : « SOS tout-petits ».
Sur mon bureau je double-clique sur le document office « exposé d’histoire ». En fait, ça va. Il me manque juste un grand axe à développer et la conclusion.
– Euh… Je vais à la BU ! On se retrouve pour le cours d’histoire !!
Je les plante là avec un sourire désolé et je cours à la BU de la fac de droit. J’aime pas celle de ma fac en fait. Forcément, à peine y suis-je entrée que je vois déjà deux têtes connues. La fac de droit est une petite enclave catholique dans le monde des études. Je chuchote vite fait avec Baudouin et Joséphine, et m’installe à côté d’eux, leur expliquant que j’ai un exposé d’histoire à finir au plus vite.

15h13. Mon exposé est fini, je dis rapidement au revoir et à bientôt à Baudouin, Joséphine et Xavier, arrivé entretemps. Je saute dans un bus, et arrive à ma fac. J’ai le temps de me prendre un café et de fumer une clope tranquille avant le cours.

16h. Je rentre dans la salle, m’installe à coté de Pauline, Elodie et Coralie. Le prof m’appelle pour mon exposé sur le christianisme au XIXème siècle. Eh oui. On choisit les sujets qu’on connaît que voulez-vous.

17h19. Mon exposé et la salve de questions qui l’a suivi est terminé, je suis de nouveau à ma place. « bzzzzzzz ». C’est Victoire. « Ca te dit on sretrouv à la messe à 18h30 puis on dîne ensemble puis on va prendre un verre avec Paul Xavier et tout ? » Ha. Oui ça me dit bien, je ne peux pas le nier. Mais demain j’ai encore cours à 8h, et je ne peux pas passer ma vie ni en manque de sommeil, ni en séchant les cours. Dilemme. Sinon je lui réponds juste oui pour la messe et le dîner. Mais je me connais. Je ne pourrai pas résister à l’appel d’un verre (ou plutôt de trois ou quatre) avec toute cette joyeuse bande. En même temps, je n’ai pas cours demain après-midi. Je pourrai faire une sieste. Aller, c’est réglé. « Ok ma vic ! Ac joie ! A tte ! »

18h. Je sors de cours, je dis au revoir rapidement à mes chers camarades de classe, et je cours à l’église. Je suis en avance, je commence un chapelet. Et puis je pense à où on va aller manger, Vic et moi. Mezzo di pasta ? Pas mal, mais peut-être qu’il serait bon de changer du régime constitué exclusivement de pâtes. Mac do ? Oh ouais. J’ai une soudaine envie d’un bon mc flurry là. Daim, nappage caramel. Mmmmh. J’en salive d’avance. Puis mon regard se reporte sur la statue de la vierge. Ah oui, je suis en plein chapelet. « Je vous salue Marie… ». Je sens une main sur mon épaule. C’est Victoire ! La messe commence. Première lecture, psaume. Et là, Victoire commence à rire. Au début j’ai cru qu’elle toussait, mais après vérification, non, elle est en plein fou rire. Elle est vraiment trop drôle quand elle rit. Elle est en train d’essayer de se cacher désespérément dans son écharpe. C’est comique. Du coup son fou rire me gagne. La vieille dame assise devant nous se retourne d’un air scandalisé.  On s’écarte d’un siège l’une de l’autre, mais il faut croire que ça ne suffit pas. Je sens une
larme couler sur ma joue tellement j’en peux plus. Dès que l’une de nous arrête, l’autre reprend et c’est reparti. On s’écarte encore d’un siège. Puis d’un de plus. Au bout de cinq minutes de ce manège, je me retrouve à la rangée derrière Victoire et la vieille paroissienne a l’ai carrément furieux. Enfin, nous arrivons toutes deux à retrouver une respiration normale, juste à temps pour la consécration. Ouf. Je peux regarder Jésus d’un air béat et amoureux. Qu’Il est beau. Je l’aime. Gazou gazou. Mon coeur est rempli d’une tendresse inexprimable, et après la communion, je me
sens carrément voler. Franchement Dieu est ouf. Je l’aime, je l’aime, je l’aime. Et Marie aussi. Ils sont tous trop oufs les gens là-haut, ça doit être la grosse teuf avec eux. Et là j’ai une image de mon défunt grand-père, l’air complètement épanoui, en train de danser au son des trompettes des anges, Marie à un bras et Jésus à l’autre. C’est drôle. Non non Aliénor, ne recommence pas à rigoler. Non. Le prêtre se prend les pieds dans son aube en se levant.  C’est reparti. Heureusement, j’arrive à me canaliser en faisant semblant de tousser. Le prêtre nous bénit, puis
entame l’Ave Maria final. C’était une belle messe. Lorsque nous sortons, Victoire et moi, nous n’échappons pas aux regards réprobateurs de la vieille. Tant pis, Jésus Lui nous pardonne.
Je soumets à Vic mon idée de Mc do, à laquelle elle répond par :

– ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii un mac doooooooooooooooooo !!!

Affaire réglée. Après avoir commandé chacune un menu best of et un mc flurry, parce tant qu’à être au mac do, autant aller au bout de la chose, nous nous asseyons. Et là je remarque que Victoire n’est pas dans son état normal. Elle est encore plus surexcitée que d’habitude, ce qui n’est pas peu dire. Elle me demande si ça va. Je réponds oui, et je m’apprête à enchaîner sur mon we de louveteaux trop bien et mon exposé d’histoire trop foiré, mais elle m’interrompt.

– Cool. Bah moi je vais mieux que bien ! Meuuuuuf j’ai un truc à te diiiireeeee ! Devine quoi ?
– Euh… Je sais pas. Ca a quelque chose à voir avec François ?

François, c’est son mec. Il est à l’école d’officiers de St-cyr, il est beau comme un dieu (selon elle) et très sympa (de mon jugement personnel). Ca fait un an qu’elle le connaît, et ils vont plutôt bien ensemble. C’est un couple qui s’aime tendrement, ce qui me rend à la fois jalouse et heureuse pour eux. Ah, la tristesse d’être célibataire.

– Ouiiiiiiii comment t’as deviné ?
– Euh, parce qu’à chaque fois que t’as cette tête là, c’est soit que tu as reçu une magnifique lettre de lui, soit que tu l’as vu pendant le week-end et qu’il t’as dit des choses magnifiques, soit parce que tu es en train de regarder une magnifique photo de lui en uniforme. Comme on est lundi et que t’as pas de photo de lui en main,
je penche pour la deuxième solution.
– Oui je l’ai vu ce week-end ! Et devine quoi ? Devine quoi ?
– Il t’as offert une pomme d’amour ? Vous avez regardé Titanic ensemble ? Vous avez dansé le rock sur la plage devant un coucher de soleil ?
– Non, mieux que ça ! Il m’a emmené dans un super restaurant et au dessert….

OMG. Je commence à comprendre.

– Aliénooooooooorrr il m’a demandé en mariage !! François m’a demandé en mariage ! Je vais me fianceeeeeerrrrr !
– Aaaaaaaaaaaahhhhh, répondis-je, gagnée par son hystérie. C’est trop bien ! Je suis trop heureuse pour toi !
– Je sais ! Crie-t-elle, sa voix étant étrangement monté dans les aigüs. Il a d’abord
demandé à Papa, mais ça je l’ai su qu’après. Et puis au dessert il s’est mis à genoux devant moi et il a dit : Victoire de Lafont, je t’aime, veux-tu m’épouser et passer le reste de ta vie avec moi ? Et là j’ai crié : oui mon chéri ! Et puis on s’est embrassé, tous les gens nous regardaient, on se serait crus dans un film. On se fiance dans un mois. Tu te rends compte ? Tu te rends compte ?

Je me rendais surtout compte d’une chose. Je vieillisais. Mes potes commençaient à se marier. Fichtre, comme téléscopage dans le monde des vrais adultes, c’est pas mal. Parce que même si ma carte d’identité prétend que je suis adulte, j’ai encore un peu de mal à l’admettre. J’ai que 20 ans, quoi. Je préfère me voir comme une jeune femme que comme une femme tout court.

-Et vous comptez vous marier quand ?
-L’été prochain !! Je sais que c’est un peu rapide mais il est payé et j’aurai fini mon école d’infirmière.

L’été prochain. L’été prochain !? On est en septembre. Ca veut dire dans dix mois ?

-Euh, mais Vic, tu as 21 ans ! Et il en a seulement un de plus !
-Et alors ? On sera payés tous les deux, donc pas de raison pour attendre.

Elle est dans le vrai.  Ils n’ont aucune raison d’attendre. Ah, c’est beau l’amour. Je la regarde avec envie. Elle semble très heureuse. Un peu trop même. Mais bon, on peut pas lui en vouloir.
Nous passons le reste du dîner à nous mettre du hamburger plein les mains et la chevalière (enfin la sienne, de cheucheu, moi j’en ai pas) et à discuter de la bague de fiançailles qu’elle voudrait.
Nous quittons le mc do le ventre plein et la tête remplie d’images de robes blanches et de saphirs brillant de mille éclats.

20h18. Comme prévu, nous retrouvons « Paul Xavier et tout » dans un sympathique petit bar vendant de non moins sympathiques petits breuvages de toutes sortes. Le
« et tout » signifiant Joseph, Charles-Antoine, Marie-Laure, Alix et Domitille. Xavier me demande gentiment des nouvelles de mon exposé. Je lui réponds que je l’ai foiré et que de toute façon le prof aime pas les cathos donc que même si j’avais fait un truc plus sérieux et plus construit il m’aurait saqué. Haha, la bonne excuse. Bon, il faut dire que je n’ai pas été très objective dans cet exposé. Parler de la loi de 1905 comme « la fin d’une grande et noble époque et le début d’une ère agnostique, incertaine, hésitante et immorale » était peut-être un peu exagéré. Mais bon. Pour oublier ce manque de discernement qui me conduira sans nul doute à une note peu glorieuse, je reprends un mojito.

22h47. Après quelques mojitos de plus, beaucoup d’euros en moins et une clarté d’esprit luttant pour survivre, je décide de partir. J’ai cours à 8h demain, oh.

– Aliénooooooor reste ! Je paie ma tournée pour fêter mes prochaines fiançailles !

On ne résiste pas à Victoire, et encore moins si elle propose de payer un verre. Bon, un dernier alors.
Je reprends ma conversation avec Charles-Antoine et Domitille sur le monde impitoyable des études de médecine, mais qui a l’air cool quand même. Domitille est en train de m’expliquer comment elle a vaillamment résisté à se soumettre aux côtés les plus salaces du bizutage, lorsque une bière arrive devant moi. Cool.  Enchantée, l’amie la bière !

-Merci Victoire ! A ta santé et à celle de François, qui est beau, intelligent, drôle, charmant, fort, riche, et que tu mérite bien.

Bon ya mieux comme toast mais j’ai pas une capacité de concentration assez forte pour trouver autre chose. Elle semble contente avec ça en plus. Je bois ma bière en écoutant les anecdotes glauques, morbides et salaces de cet univers fascinant qu’est la fac de médecine. Enfin, jusqu’à ce que Charles-Antoine commence à raconter sa première dissection sur corps humain, en insérant  quelques détails bien… détaillés, pour rendre son récit plus vivant. Je finis ma bière d’un trait. J’ai mal au ventre.

23h34. L’effet dissection-sang-poumons flasques-foie vert est passé, je me sens mieux. Mais il faut vraiment que je rentre. Je fais un tour de table rapide en m’attardant un peu auprès de Victoire. Elle en est à son quatrième monaco et son deuxième shot et elle me pleure dans les bras en disant qu’elle est la plus heureuse du monde mais qu’elle avait promis à François de ne plus trop boire, que j’avais tort, qu’elle ne le mérite pas, et comment va-t-il la supporter toute sa vie, et ses enfants, les enfants de François, les pauvres, quelle mauvaise mère ils auront. Je décide de la ramener avec moi. Après avoir enfin dit au revoir à tout le monde, nous pouvons partir. Ca a pris un peu de temps car tout le monde y allait de ses félicitations, faisant passer Vic du rire au larmes, et aussi parce que Marie-Laure voulait me demander quand est-ce qu’on se faisait notre prochaine scéance DVD. A la suite de dix minutes de discussions pour essayer de caler une date dans nos agendas, enfin dans nos portables, on s’est dit qu’on ferait comme d’habitude, on se capte par sms.

23h52.Je laisse Victoire devant sa porte. Marcher lui a fait du bien, et elle me dit qu’elle est vraiment trop conne de se mettre dans des états pareils, qu’en plus elle doit
appeler François, et qu’elle devra bien lui dire, et qu’il sera déçu. Elle me demande de monter pour prendre une tisane chez elle et la soutenir moralement pendant le début de la conversation.
Laisser tomber une amie dans le besoin n’est pas dans mes habitudes, cours ou pas cours. J’accepte.

0h07. Victoire se décide enfin à appeler François.

Oui mon chéri, je suis désolée de t’appeler si tard, ça va ?… Mais il y
a du monde derrière toi, je te dérange ?… Oh, t’es chou… Oui, tu es un amour.

A ce stade là de la conversation, je me dis qu’elle peut se débrouiller toute seule. Enfin c’est surtout que je n’aime pas l’entendre roucouler comme ça, j’ai l’impression de gêner. J’avale d’un trait ma tisane. Merde, c’est bouillant ce truc. Ouie ouie ouie. Je me retiens pour ne pas hurler, mon estomac est en feu, quant à ma langue c’est comme si j’avais avalé des braises. Elle va avoir des cloques rouges et suintantes, comme la main de Louis-Etienne, j’en suis sûre. Je me précipite boire un verre d’eau, sous le regard perplexe de Vic qui en a même arrêté de roucouler.

QUOI ?

Zut-qu’est-ce-qui-se-passe-encore. La bouche pleine d’eau je reviens vers Victoire. Mais elle pleure ! Quel connard ce François de faire pleurer ma pote pour un malheureux shot ! Ah non elle rit. Elle essaie de m’expliquer pourquoi en langage des signes mais je pige que dalle. Elle met le haut-parleur. Et là j’entends la voix de François chanter du Lady Gaga. Très, très faux. Quand on connait François, le mec toujours propre sur lui, toujours sage, bien que plein d’humour par ailleurs, c’est plutôt drôle. C’est même hilarant. Haha. Ca y est je ris. Et je crache mon eau sur Victoire.

– Françoi-oi-ois, j… je te rap.. pe..pelle, je s.. suis avec Aliénohohohorahahahahaha, à tout aha l’heuheuheure mon ch..chéri.

S’il a compris quelque chose à ce qu’elle vient de lui dire, c’est vraiment qu’ils n’ont pas besoin de mots pour se comprendre ces deux-là. On passe quatre bonnes minutes à se taper les cuisses toutes les deux. Puis elle m’explique que lui aussi il est en train de fêter leurs prochaines fiançailles avec ses potes cyrards, et qu’ils l’ont fait boire un peu trop, et qu’ils lui ont demandé de chanter « my telephone » de Lady Gaga au téléphone (justement) parce qu’il a perdu je sais pas quel pari. Une sombre histoire de quel général avait mis ses troupes sur le flan ouest de chépas quelle colline dans chépas quelle bataille. Un truc de cyrards quoi. Après cette franche partie de rigolade, je décide que définitivement elle n’a plus besoin de moi, et que définitivement moi j’ai besoin de mon lit. Je la laisse rappeler l’amour de sa vie et je m’en vais tant qu’il est encore temps.

0h48. Home sweet home. Je m’effondre dans mon lit, demain il faut que je me lève à 7h. Zut, prière. Fatiguée. Signe de croix. Merci Seigneur pour cette bonne journée et pour la messe c’était cool et demain faut que je fasse une sieste et puis que je voie Anne-Emm aussi ça va être cool on mangera ensemble et puis la marmotte elle met le chocolat dans le papier. Papier.
Pas pied. J’ai pas pied. Tant pis on dit que je suis dans un bateau . Oui mais c’est la tempête et le bateau coule. Oui mais Jésus il marche sur les eaux et il vient me chercher il est trop fort.
Et puis il me remet sur le bateau et là c’est la teuf ya tous mes potes et on met du Lady Gaga à fond, et là ya François qui s’enfile trois bouteilles de rhum et Vic qui lui dit d’arrêter parce qu’il lui a pas encore acheté sa bague de fiançailles et qu’il va avoir une cyrrhose du foie. Et là ya Charles-Antoine qui arrive avec un masque de médecin et Domitille aussi et ils veulent disséquer le foie tout vert de François mais Victoire veut pas et Charles-Antoine glisse sur le pont et…zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzz.

10 réflexions sur “Lundi

  1. Manon dit :

    He ho ! Tu m’observes ou quoi ?! Je sais pas s’il y en a ici qui te descende mais moi je me reconnais bien dans ce que tu dis (sauf que mes louveteaux se sont jamais brûler 😉 )
    Continue d’écrire, on est plusieurs à bien se marrer ! =)

  2. Anomymous mother dit :

    Alcool, clope, alcool, alcool, on sèche les cours… (Et on va se confesser après pour ??!… Se faire pardonner ????! O_o )
    Et si vous trouvez vos louveteaux trop « cons », feriez mieux d’arreter… Ca évitera d’autres incidents pour défaut de surveillance (depuis qd, « juste » des cloques, ce n’est pas grave ??! J’allucine !)
    Bel exemple pour la jeunesse qui vous lit… (Soupirs intenses….)

    • Bonsoir Madame,
      Ceta rticle que vous avez lu remonte aux débuts du blog, depuis Aliénor a mûri… Je rappelle par ailleurs que c’est une fiction, c’est volontairement que je lui ai donné des défauts. Par ailleurs le ton était aussi volontairement humoristique, en l’occurence pour ce que vous évoquez ce n’était pas forcément très heureux, je vous l’accorde. Je vous invite sur le même sujet à lire les articles « Loup, y es-tu ? » et surtout le dernier « franchise, dévouement, pureté. » qui montrent qu’Ali n’est pas juste une gamine irresponsable et qu’elle a conscience de ce qu’est la charge de cheftaine !

      • Je comprends parfaitement que cela pose un problème de cohérence, Aliénor a du mal a installer une unité de vie. Cela étant, c’est le cas de beaucoup de jeunes catholiques, il est parfois difficile, à 20 ans, d' »être dans le monde sans être du monde » ! Aliénor est représentative d’une partie de sa génération, qui malgré une foi vivante peine à installer une unité de vie. La conversion ne se fait pas en un jour, et heureusement qu’elle va se confesser, signe de son désir de faire mieux 😉
        Si vous lisez la suite du blog jusqu’à la fin, vous verrez qu’elle mûrit au fil des années, pour entrer dans une plus grande unité de vie justement.
        Ce blog est une fiction, mais c’est volontairement que l’héro¨ne a des défauts, nous en avons tous, et c’était pour lui laisser une marge de progression justement 🙂

  3. Ozalee dit :

    Je viens de tomber sur ton blog via facebook, je commence donc la lecture (mieux vaut tard que jamais). Génial, ce premier chapitre, même si je ne me reconnais pas trop dans la vie chrétienne d’Aliénor. Bien écrit, c’est accrocheur, je continue, bravo !!

  4. Le Lynx dit :

    je suis dans le même cas qu’Ozalee, j’aime assez, mais je ne trouve pas l’article suivant (le club des quiches en informatique ^^) quelqun peut m’aider?

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